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Les deux Guerres Mondiales ont-elles été un des facteurs d'accélération de la place de la femme dans la société française ?
9 mars 2012

A) Des périodes difficiles et violentes aux résultats nuancés

          1) LA PREMIERE GUERRE MONDIALE

   a) l'effort de guerre

     La première Guerre Mondiale signe un changement radical du quotidien des femmes françaises. En effet, leur nouvelle situation comporte deux aspects principaux : d'une part, elles doivent participer à l'effort de guerre et d'autre part elles doivent s'occuper de leur famille en prenant en compte les nouvelles restriction de l'économie de guerre.


femmes usines armement - obus

Image: photo de femmes travaillant dans une usine d'armement dans le secteur de la production d'obus illustrant la position exigée : elles sont debout toute la journée.

     En 1914, 7,7 millions de femmes travaillent déjà mais, avec les hommes partis au front, le pays fait face à une pénurie de main-d'oeuvre. Dans une guerre totale, les femmes sont appelées à participer à l'effort de guerre notamment dans les usines d'armement, la fonderie et l'aéronautique. Cependant, ce travail est long et difficile. Il demande de longues heures debout à être concentré sur un seul et même geste avec peu de pauses et comportant des risques physiques : les accidents de travail sont très fréquents et les femmes y sont nommées responsables. Par conséquent, en plus du faible salaire, les femmes y subissent des pressions morales de la part des employeurs.
Ainsi, selon le témoignage de la journaliste Marcelle CAPY, féministe, libertaire et ayant travaillé quelques semaines incognito dans une usine de guerre :
  « L'ouvrière, toujours debout, saisit l'obus, le porte sur l'appareil dont elle soulève la partie supérieure. L'engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions ( c'est le but de l'opération), relève la cloche, prend l'obus et le dépose à gauche.
   Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg.
    Au bout de 3/4 d'heure, je me suis avouée vaincue.
   J'ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900 000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7 millions de kilos.
   Arrivée fraîche et forte à l'usine, elle a perdu ses belles couleurs et n'est plus qu'une mince fillette épuisée.
   Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête :
35 000 kg ».


femmes labourant les champs femmes et enfants dans un champs

Images: femmes utilisant leur force physique pour labourer les champs en absence d'animaux;femmes et enfants dans un champs illustrant la double tâche des femmes : allier travail et famille.

Les femmes sont également appelées aux champs, laissés à l'abandon par leurs maris. Celles ci peuvent être autant des jeunes filles que des personnes âgées. Elles s'y épuisent car ce travail exige une force physique considérable. Elles sont obligées d'amener leurs enfants avec elles du fait qu'elles doivent allier travail et famille.


veuve dans un cimetière parisien, 1er novembre 1918

Image: la première Guerre Mondiale laisse des 630 000 veuves, ici dans un cimetière parisien le 1er novembre 1918.

     Les femmes doivent également poursuivre leurs responsabilités familiales quotidiennes mais avec de nouvelles conditions.
Tout d'abord, il faut composer avec le manque de nourriture du fait des variations de production des champs. De plus, il est très difficile de se ravitailler en combustible de chauffage. La nation investit en priorité dans les biens destinés à partir au front comme les armes et la nourriture pour les poilus que dans la production de biens nécessaire à l'arrière. L'arrière est pour ainsi dire laissé pour compte entraînant des conditions physiques compliquées. La vie des femmes durant ce conflit inclut des souffrances morales : elles vivent dans l'attente de nouvelles de leurs maris, fils et frères. On compte 630 000 veuves à la fin de cette guerre qui devront se reconstruire tout en assumant leur foyer.

   b) une reconnaissance

munitionnettes dans une usine d'armement chauffeuse locomotive ligne Toulouse allumeuses réverbères

Images: ces trois photos représentent la polyvalence des femmes dans le domaine du travail durant la guerre totale.

     Cette guerre a, malgré les dures conditions de vie, démontré que la guerre n'est pas que dédiée aux hommes et que les femmes peuvent assumer tâches et responsabilités dans l'économie de leur pays. Durant les quatres années de guerre, les femmes vont assurer la quasi-totalité des tâches réservées jusque là aux hommes. On trouve ainsi des factrices, des chauffeuses de locomotives, des allumeuses de réverbères, des conductrices de tramways et de locomotives, des mécaniciennes. Certaines ont pris en charge des hôpitaux, des bibliothèques, des services d’entre-aides. Les femmes sont polyvalentes et peuvent enfin exercer leurs capacités.

     Elle ont gagné un début d'émancipation face à leur mari et un réel respect pour leur courage et leur service au nom de la patrie. Elle se traduit également par un changement de style vestimentaire lancant une nouvelle figure : la Garçonne.

   c) une émancipation restreinte

     Malheureusement, la guerre n'a permis que d'ouvrir un débat qui n'a en fin de compte aboutit sur aucun changement concret : la Guerre a eu peu d’effets sur le taux d’activité féminin soit en 1911 7 millions 217 000 femmes travaillaient, en 1921 avec une légère augmentation 7 millions 231 000 femmes dans la population active mais, en 1931 une fois la guerre finie, une diminution est largement remarquée avec un nombre de femmes travaillant de 6 millions 986 000. La guerre a donc un caractère provisoire sur l'activité féminine pour être au final assez superficiel par rapport à l'évolution globale de la place de la femme dans la société. Elles ont rendu leur place aux hommes le 11 novembre 1918, jour de l'armistice.
     Par sa nature, la guerre a davantage créé un traumatisme (conditions de vie compliquées à l'arrière au niveau physique et moral) qu'une modification de la place de la femme. La guerre est plutôt conservatrice, voire régressive, en matière de rapports entre les sexes. La première Guerre Mondiale n'a donc issé le travail féminin que temporairement laissant leur mobilisation à l'oubli et n'engendrant pas l'obtention de nouveaux droits : la femme reste inférieure juridiquement et psychologiquement à l'homme.


          2) LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

   a) des conditions de vie difficiles

femmes faisant la queue à l'épicerie pour les produits frais ticket de rationnement

Images: ces deux photos témoignent de la politique de rationnement mise en place dans le gouvernement de Vichy : des femmes faisant la queue à l'épicerie pour les produits frais et un ticket de rationnement.

     La deuxième Guerre Mondiale marque comme la première des conditions à l'arrière très difficiles touchant les enfants, les personnes âgées et les femmes. Ces conditions concernent tout d'abord la vie quotidienne à l'arrière. Les femmes ont recours en permanence au "système D", mettant tout en oeuvre pour avoir accés aux biens nécessaires. Elles composent dès l'armistice du 22 juin 1940, qui signe le début de l'Occupation allemande, avec les pénuries alimentaires du fait des variations de production des champs : il faut parfois faire la queue pendant des heures pour obtenir de la nourriture par le biais de tickets, c'est le rationnement. Ce rationnement est mis en place par le Régime de Vichy (zone sud) tandis qu'en zone d'Occupation allemande (zone nord), les français doivent faire face à une pénurie généralisée des biens essentiels. En plus du fait qu'il faut s'accommoder de la discrimination des Juifs qui ont dans ce cas une réglementation beaucoup plus rude : à partir de juillet 1942 ils ne sont plus autorisés à faire leurs courses qu'entre 15h et 16h et doivent avoir un "J" tamponné sur leurs tickets, les denrées sont rares. Le pain, les légumes, l'huile, le sucre puis le café et le chocolat après le blocus des Anglais et les prélèvements allemands, feront bientôt l'objet de pénuries engendrant sous-alimentation et maladie.


Documentaire sur les victimes de viol lors de la deuxième Guerre Mondiale par France 24


Documentaire sur les "femmes tondues" par PUL
     De plus, la présence constante des Allemands en zone civile crée d'une part une peur psychologique et d'autre part est la cause de nombreuses violences notamment envers les femmes. Les allemands débarqués (ainsi que les américains, russes et japonais) s'autorisant toutes les permissions en absence des maris, s'impose dans les maisons de campagnes surtout celles bourgeoises où les conditions sont plus ou moins agréables. Ils bénéficient des repas, des dortoires et soumissent la maîtresse de maison : on recense un total de 17 000 viols commis par les GI's au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Enfin, on constate une augmentation des "femmes tondues" entre les années 1920 et la fin de la deuxième Guerre Mondiale en 1945. Ces femmes subissent une tonte de leur chevelure en raison du sentiment d'indignation des forces occupantes, ici les Allemands. Elles sont 20 000 françaises à la fin du conflit.


   b) la terreur : la répression du parti Allemand

femmes et enfants dans le bois de bouleau femmes déportées

Images: photos témoignant des déportations des Juifs, ici dans le bois de Bouleau et des conditions d'entassement dans les "dortoirs" des camps de concentration.

     Les allemands ont exercé une pression psychologique sur les civils consistant en une peur constante d'être déporté. Lorsque les femmes sont déportées pour des raisons de non adhésion au parti allemand ou parce qu'elles sont considérées comme faisant partie d'une "race inférieure" ou inutiles, elles subissent des violences abominables dans les camps de concentration et d'extermination ainsi que lors de la déportation même : bombardements, coups de gourdins, aucune assistance maladie, manque d'hygiène, de nourriture et bien entendu l'entassement dans les blocs puis la mort.


travail femmes en Allemagne propagande vychiste, femmes cibles privilégiées car tjs glorifiée rôle mère et d'épouse, flatterie

Images: ces deux affiches comportant toutes les tranches d'âge mettent en évidence la propagande allemande sous le gouvernement de Vichy où les femmes sont les cibles privilégiées car pouvant être flattées comme bonnes mères et épouses.
     De plus, la deuxième Guerre Mondiale est synonyme d'évolution du travail féminin. En effet, les femmes ont remplacé les hommes dans les usines, les commerces et les bureaux : en 1936, durant la grande crise, elles sont 6,5 millions d'actives pour un taux d’activité de 43,2 %. Mais, elles sont également réquisitionnées sous la Collaboration et l'Occupation à partir de mai 1940 jusqu'en décembre 1944 dans les usines allemandes pour contribuer à leur économie de guerre. Pour cela, le parti communiste organise une propagande proposant du travail en Allemagne qui rendrait les familles françaises beaucoup plus heureuses avec des meilleures conditions de vie. Ainsi, en juin 1944, 44 835 françaises travaillent en Allemagne.


censure - contrôle de la préfecture de police

Image: photo d'une carte postale montrant le contôle du courrier (tampon) par la préfecture de police dans une optique de censure d'éléments "anti-allemands".
     Enfin, la censure est un moyen de répression du parti allemand. Elle consiste à interdire (sous la direction du parti) la diffusion (vente et publication) de lettres et d'ouvrages écrits par des Juifs, des Francs-maçons ou par des ennemis du parti qui pourraient nuire à la politique allemande comme la mise en évidence de la propagande : elle bannit tout ce qui est "anti-allemand".

   c) l'engagement à la résistance

Volontaires féminines conductrices de la 531e compagnie de transport, octobre 1943 un sabotage des résistants en Saône-et-Loire, pendant l'occupation allemande, en mars 1944 une résistante armée, près de Chartres, en août 1944

Images: chronologiquement : volontaires féminines conductrices de la 531e compagnie de transport, octobre 1943;un sabotage des résistants en Saône-et-Loire pendant l'Occupation allemande, mars 1944;une résistante armée près de Chartres, août 1944.

     Pour contrer cette répression du parti allemand, nombreuses sont les femmes qui s'engagent dans la résistance française aux côtés des Forces Françaises Libre (FFL). Suite à l'appel du général de Gaulle le 18 juin 1940, les femmes font activement partie des groupements intérieurs du pays jusqu'au premier août 1943, date à laquelle la France Libre et son armée cessent toute activité et se joignent au Comité Français de la Libération Nationale (CFLN) et à l'Armée française de la Libération. Dans ces trois organisations, les femmes démontrent encore une fois leur volonté de participer à l'effort de guerre du pays. Elles occupent une diversité de fonctions comme la participation aux combats militaires et aux sabotages, l'infiltration du service allemand dans les services de renseignements ainsi que dans les administrations pour acheminer le courrier jusqu'aux mairies, la fourniture de faux papiers, les services sanitaires dans les hôpitaux, des aides aux prisonniers et aux persécutés comme les Juifs.
     Elles ne représentent certes que 15 à 20 % des résistants mais agissent dans la clandestinité pour propager les valeurs de la démocratie et du rétablissement de la République. La participation des femmes notamment au combat a marqué ce conflit. C'est grâce à une implication volontaire que les femmes manifestent davantage leurs capacités et leur détermination à s'imposer encore plus dans la vie économique, politique et sociale du pays. Les femmes tondues, les résistantes sont autant de symboles représentatifs de la France libre.
     Néanmoins, cette deuxième Guerre Mondiale a permis aux femmes de prendre de l'autonomie et de pouvoir se comparer aux hommes en terme de compétences physiques et intellectuelles. Pourtant, la fin de ce conflit ne signe que le commencement de  plusieurs évolutions obtenues à force de tenacité et d'autres événements.

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